Magic in the Moonlight, Woody Allen

On a chaque année plaisir à retrouver Woody Allen. Que le cru soit bon ou mauvais, il y a cette petite musique, ce ton très personnel, ces dialogues pleins d’esprit. On l’aime bien, Woody. Cela dit, ce Magic in the Moonlight nous a laissés froids. La faute à un inhabituel manque de subtilité.

Il faut dire que sa précédente livraison, Blue Jasmine, avait porté la barre très haut, et que le sujet de ce nouvel opus faisait saliver : dans les années 1920, le magicien Wei Ling Soo fait fureur sur les scènes du monde entier. Il fait disparaître des éléphants, tranche des femmes en deux, se téléporte d’un sarcophage à un fauteuil. Sous le grimage de l’illusionniste chinois se cache en fait Stanley Crawford, un Anglais snob et grognon, à l’esprit acéré et au scientisme imparable. Ce rationaliste absolu a une seconde passion : démasquer les faux médiums et autres voyants de pacotille. Un vieil ami l’entraîne ainsi sur la Côte d’Azur où il doit confondre Sophie, jeune et ravissante jeune femme qui, par ses « impressions mentales », a mis à ses pieds une riche et influente famille.

Les ingrédients étaient donc tous là : un Colin Firth décapant en dandy bougon, une Emma Stone rayonnante en manipulatrice espiègle, un cadre séduisant, une romance impossible, une intrigue policière, une ambiance à la Agatha Christie, une méditation sur le scientisme et la métaphysique, sur l’opportunité de croire ou non en des apparences qui dépassent la raison.

Or, le film est convenu et ne surprend jamais, au point d’ennuyer malgré un semblant de suspense. Il y a d’abord cette structure trop visible qui frise ici le mode d’emploi pour cinéaste débutant : présentation des personnages, portraits en action,  apparition des confidents-adjuvants respectifs, personnages secondaires burlesques, puis mise en place de l’intrigue, péripéties, acmé, dénouement. Un dénouement marivaudesque d’une confondante banalité dans lequel les masques tombent et révèlent la vérité des âmes.

Cette structure ennuyeuse mine un propos aussi terne que décevant. Stanley est dépassé par les « talents » de Sophie. Il ne parvient pas à dénicher son « truc », se remet profondément en cause au point d’invoquer le Seigneur, et finit par tomber sous le charme d’une personnalité apparemment incompatible avec la sienne. Sa « logique insensée » (une bien belle formule, peut-être ce que l’on retiendra du film) doit se rendre à l’évidence : la vie comporte bien une part mystique. Si ce n’est la communication avec l’au-delà, eh bien… c’est donc l’amour ! Car l’amour est cette force qui fait baisser la garde au point de remettre en cause toutes les certitudes.

La niaiserie de l’idée ne dérangerait pas outre mesure si celle-ci n’était lourdement soulignée tout au long du film. Woody Allen explique par des dialogues progressifs et tortueux que l’amour est irrationnel et que la raison ne fait pas tout. Au point que l’on finit par se sentir comme un élève de terminale littéraire qui se serait assis par erreur dans une classe de français de quatrième. Ce didactisme grotesque nous donnerait presque envie de jeter quelques tomates sur ces décors bourgeois de French Riviera. Si ce n’était Woody Allen…

Vivement l’an prochain !

Date de sortie : 22 octobre 2014

Réalisé par : Woody Allen

Avec : Colin Firth, Emma Stone

Durée : 1h38

Pays de production : Etats-Unis