Jetez moi aux chiens, Patrick McGuinness

Inspiré d’un réel pugilat médiatique, Jetez moi aux chiens met à nu une société avide de faits divers et de coupables tout trouvés, solidement nourrie par une presse à sensation sans scrupule. Un faux roman policier et une vraie petite pépite littéraire. Jetez moi aux chiens commence comme un polar : après un premier chapitre déroutant, le lecteur est plongé dans une sordide affaire de meurtre, qui n’est pas sans rappeler un véritable fait divers. En décembre 2010, à Bristol en Angleterre, une jeune femme est portée disparue, puis retrouvée morte, étranglée. Noël approche, il faut résoudre l’affaire au plus vite. Un premier suspect est rapidement arrêté, son propriétaire et voisin, Christopher Jefferies. Les journaux s’emparent aussitôt de ce fait divers et condamnent cet ancien professeur sans aucune forme de procès : cet homme cultivé et singulier incarne le coupable idéal. Quelques jours plus tard, l’assassin est arrêté, Christopher Jefferies disculpé. Cette histoire de violence ordinaire est le canevas du nouveau roman de Patrick McGuinness. L’auteur y rend une forme de justice à celui qui a été pour lui un professeur bienveillant et qui a apporté un peu de joie dans sa scolarité au sein d’une école privée élitiste. Dans son roman, M. Wolphram, le suspect, est un double fictif assez transparent de Christopher Jefferies. Du jour au lendemain arrêté puis inculpé, il voit son mode de vie passé au crible. La presse, le rebaptisant opportunément « Le Loup », en fait le coupable idéal. Ainsi, chaque détail devient une preuve irréfutable de sa culpabilité : ses goûts musicaux et cinématographiques, son célibat, le moment de son départ à la retraite (quand l’école devient mixte). « Quand l’innocence est aussi louche, on n’a que faire de la culpabilité » constate amèrement le narrateur-enquêteur. Néanmoins,...

Trois jours et une vie, Pierre Lemaitre

Pierre Lemaitre brode une histoire de meurtre sur un fait divers météorologique, la tempête qui a ravagé le Nord de la France en décembre 1999. Un roman noir, qui tient en haleine sans parvenir à convaincre vraiment. Beauval, un village reculé, entouré de forêts, administré par un notable local. Un village où le temps s’écoule lentement ; où les adolescents traînent en bande ; où il ne se passe pas grand chose ; où les menus faits du quotidien sont ressassés dans d’interminables commérages. Antoine a douze ans. Il vit seul avec sa mère, fragile et rigide, qu’il aime à sa façon, adolescente, distante, muette. Il ne trouve pas davantage sa place auprès de ses copains, ni même avec Emilie, sa jolie voisine. Mais il lui reste sa cabane, perchée dans les arbres du bois de Saint-Eustache, l’admiration de Rémi, son petit voisin de six ans, et Ulysse, le chien de ce dernier, le plus fidèle compagnon de jeu d’Antoine. Oui mais voilà. Quelques jours avant Noël, Ulysse est renversé par une voiture et le père de Rémi l’abat sous les yeux de l’adolescent dont la tête se met à tourner. Sous le coup de la colère, il s’en prend à la cabane, qu’il démolit. Et quand Rémi arrive pour constater les dégâts, la rage l’aveugle encore. Hors de lui, il frappe l’enfant qui s’écroule. Le jeune homme entre dans la tourmente alors que la tempête est sur le point de s’abattre sur le village. En décembre 1999, les forêts du Nord de l’Europe ont effectivement été dévastées par Lothar et Martin. En s’appuyant sur ce fait divers météorologique, Pierre Lemaitre a imaginé une intrigue bien ficelée qui enferme peu à peu l’adolescent dans une trame étouffante et tient le lecteur en haleine. Par la tension qu’il...

Crime et Châtiment, Dostoïevski Août16

Crime et Châtiment, Dostoïevski

Vous n’emportez que des policiers dans vos valises d’été? Qu’à cela ne tienne, vous pouvez conjuguer cette passion estivale avec la découverte d’un grand classique de la littérature russe du XIXème : Crime et châtiment. Non seulement vous y retrouverez tous les ingrédients nécessaires à vos plaisirs de lecture (un meurtre, une hache, un juge d’instruction malin et sinueux…) mais vous apprécierez certainement la surprise que vous réserve Dostoïevski en vous faisant suivre de bout en bout le point de vue de l’assassin! Petit détour donc par un succès de l’année 1866. Fédor Dostoïevski, criblé de dettes (il est joueur…) et très affecté par plusieurs décès consécutifs, reprend à bras le corps l’idée déjà ancienne d’une « confession de criminel » dans une Petersburg étouffante et misérable. Naît alors le célébrissime Raskolnikov, étymologiquement « le schismatique », qui rompt avec la communauté des humains en commettant l’irréparable. « C’est moi que j’ai tué, moi et pas elle, moi-même, et je me suis perdu à jamais » avoue le jeune homme perclus d’angoisse. Voilà ce qui intéresse Dostoïevski qui suit pas à pas son personnage dans les semaines qui suivent le meurtre, le « compte rendu psychologique d’un crime ». La tension dramatique du récit ne porte donc en aucune façon sur l’identité de l’assassin (cela vous changera) mais sur la possibilité pour celui-ci d’accéder au remords et de reprendre pied dans son humanité. Le mobile? Sans le sou, Raskolnikov a dû quitter l’université et se replie, seul et désoeuvré, entre les murs de son gourbi. Assez vite, la nécessité le conduit chez une vieille usurière dont il projette peu à peu le meurtre et le vol. Alors quoi? L’argent? L’étudiant ne prend pas la peine d’ouvrir la bourse dérobée chez sa victime ; il la cache sous une pierre et n’y revient...