Ida, Pawel Pawlikowski

Ida est la quête d’une identité à reconstruire. Dès les premières scènes, et avec un laconisme dont le film de Pawel Pawlikowski ne se départit jamais, on apprend qu’Anna s’appelle en réalité Ida et qu’elle n’est pas catholique, mais juive. Son noviciat touchant à sa fin, Ida est sommée par la supérieure du couvent de rencontrer sa tante, Wanda, laquelle lui raconte l’histoire de ses parents et les circonstances de leur mort. Ces derniers ont été trahis et assassinés par des paysans polonais qui s’étaient pourtant chargés de les cacher durant la Seconde Guerre mondiale. Commence alors pour les deux femmes l’enquête qui doit les amener à retrouver les corps de leurs proches et à leur donner une sépulture honorable dans un cimetière juif.

Tout oppose Ida et Wanda. La première est taiseuse, discrète, élevée selon les préceptes rigoristes de la communauté religieuse où elle a grandi. Wanda est un pur produit du système soviétique, une juge haut placée, déterminée, séductrice et farouche avec les hommes, qu’elle prend et jette sans vergogne. Une chose cependant les unit, cette béance du passé, cette nécessité, une fois que celle-ci s’est fait jour, de clore le roman des origines, de ressusciter les morts pour mieux les enterrer. Une fois la quête achevée, il semble que chacune d’elles soit enfin en mesure de décider de sa vie et non de la subir.

Pour raconter cette histoire douloureuse, Pawlikowski choisit le noir et blanc et une économie de mots qui, outre le fait qu’ils semblent répondre aux clichés que l’on attribue à la Pologne des années 60 (tristesse, grisaille, sévérité), font par moment basculer le film dans une austérité qui confine à l’ennui. Mais par ailleurs, le noir et blanc permet de très beaux tableaux, comme les plans ouvrant les scènes au couvent. De façon quasi systématique, le réalisateur y filme Ida au premier plan – Ida, sa blancheur sculpturale – et le décor monacal en fond, flou, indistinct, à l’image d’une vie que la novice n’a pas encore choisie, d’une existence « irréalisée ». En outre, le refus de la couleur met singulièrement en avant les yeux d’Ida, ainsi dépourvus d’iris, intégralement noirs, comme deux puits sans fond, comme une conscience dans la nuit, encore abîmée.

La vie pourtant perce çà et là, timidement, dans le film de Pawlikowski. Wanda est une jouisseuse, qui profite et s’égare dans l’alcool et les relations sans lendemain. Lorsqu’Ida la rencontre, surgissent les premiers rires du film, les premières notes de musique aussi, Mozart et sa symphonie « Jupiter » que Wanda fait jouer sur sa platine. Puis vient l’expérience du désir auprès d’un jeune jazzman, saxophoniste en tournée avec lequel Ida connaît l’amour charnel. La décision finale de la jeune fille de prononcer ses vœux, en toute conscience, est rendue possible par cette quête identitaire et cette expérience condensée d’une hypothétique autre vie. Ainsi décrit, le film a toute les qualités d’un beau roman, mais il est limité par son académisme formel, par un souci constant et quelque peu artificiel de tout traiter avec retenue, les situations comme l’émotion, au point que celle-ci peine à poindre chez le spectateur. On ne retient finalement que quelques plans saisissants d’Ida et des deux femmes arpentant la campagne à la recherche des corps de leur famille ; le tout sur fond d’une bande originale qui suscite davantage l’émotion que la réalisation elle-même. C’est déjà ça.

 

Date de sortie : 12 février 2014

Réalisé par : Pawel Pawlikowski

Avec : Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska, Joanna Kulig

Durée : 1h20

Pays de production : Pologne, Danemark